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«La poésie échappe à toutes distances, elle est le carrefour de l’être et des êtres. Aussi nous n’aurons pas vécu pour rien.» — Jean-Marie Corbusier (Belgique)

 

Par MICHEL CLOUTIER, journaliste, écrivain, fondateur du magazine électronique Québec-Presse, Montréal, Paris, Washington.

BRUXELLES — La poésie belge, magistrale qu’elle est depuis des siècles, survole encore aujourd’hui les actions créatrices des meilleurs poètes du monde entier.

Or, parmi les envolées glorieuses sorties du «pays plat», Jean-Marie Corbusier,  un poète à la discrétion parfaite, se fraie un chemin lumineux «tourné vers l’Autre», explique-t-il d’emblée dans une correspondance électronique avec le magazine Québec Presse.

«Il est exact que je me place au-dessus du non-sens de la vie, écrit-il. Une poésie refuge, espace, mais néanmoins tournée vers l’autre, celui qui lira, qui saura lire dans la profondeur du texte et par là se rejoindra lui-même condition première pour rejoindre l’autre. Vous savez, quelques excellents lecteurs suffisent pour enchanter un poète, il n’est plus seul, il cohabite avec un autre même à distance géographique. La poésie échappe à toutes distances, elle est le carrefour de l’être et des êtres. Aussi nous n’aurons pas vécu pour rien.»

L’AIR, PIERRE À PIERRE, de Jean-Marie Corbusier. Les encres sont de DOMINIQUE NEUFORGE. Publié aux Éditions Le Taillis Pré, Chatelineau, Hainaut, Belgique, 2018.

Cette optique du grand poète belge autour de soi, se traduit par une viable progéniture de l’imagination et de l’esprit en germant (avant tout) dans l’instant de chaque être… si chaque être est bien ouvert bien entendu à la Poésie sous le régime du Charme esthétique. Et ce, en vue d’incarner les signes visibles des mots qui donnent de la densité à l’âme.

Sinon, c’est l’inertie de la routine, l’automatisme de la conscience, car sans l’élan vital du coeur. Bref, la Poésie n’est pas une simple mécanique, un événement vide d’âme et sans lendemain. La Poésie se veut un avènement retentissant à créer le seuil même d’une ère nouvelle… à faire époque. Et  avec une joie lumineuse, Jean-Marie Corbusier en inaugure le règne.

TRANSFORMER LE PANORAMA DES LETTRES

Enthousiasmant regard à transformer le panorama des fresques et des lettres.  Corbusier  s’offre ainsi tout un spectacle en nous livrant son dernier recueil «L’AIR, PIERRE À PIERRE»

JEAN-MARIE CORBUSIER, grand poète belge.

Allons-y voir:  »LE MOT DANS LA DISTANCE (page 125) donne un sens aux passions qui n’ont plus d’obstacle. Le poète domine tous les écarts (une éblouissante évidence) et sa poésie court sans le repli du moi pour surmonter triomphalement la terreur moderne du non-sens de la vie.

Loin de l’usure fatale de la médiocrité, il signale ce CE FROID AU COIN DE L’AIR, page 67, et rejoint une belle froidure hivernale québécoise, et plus encore, rejoint métaphysiquement les silences de l’âme dans l’appel purificateur du désert obligé, celui de la sanctification intérieure qui mène aux élans mystiques.

Et tout démarre en page 13:

«Au plus étroit notre présence
qui sait
nos silences peints au bout de l’allée
qui sait
quelques mots qui nous guideraient sans fermer les paupières
hier déjà
un tourbillon de lumière avait cédé au vent
une jeune voix à nos désirs
qui sait
notre rêve et nos yeux pleins d’angoisse
notre regard au plus lointain
nos corps à modeler l’informe
qui sait
notre futur
épaule contre épaule à remonter le temps»
Qu’il est bon de le découvrir! Chaque souffle contracte un rayon de lumière. Et dans le même instant c’est l’avènement scintillant d’une vie fulgurante à fracturer le temps pour lui donner de l’épaisseur, de la profondeur jusqu’aux ténèbres dans ses effets nouveaux (page 71). Ce sont des tableaux activement dressés, sans aucun étouffement, sans piège diabolique, mais salutaires d’un immense premier instant pur, celui de l’âme en son Acte d’écrire. Magistral!
Ses écrits font époque. Rien de minuscule.

 

LA CRITIQUE ET JEAN-MARIE CORBUSIER

… la voie ouverte par Celan et du Bouchet trouve aujourd’hui en vous un continuateur.

— Jean-Pierre Lemaire

C’est toute une théorie du beau qui sert de méthode. Un livre qui s’appuie sur le spatialisme découvert par Mallarmé. Un jeu intelligent et sérieux qui ne permet pas de dire n’importe quoi, et n’importe où, ni de penser ceci ou cela son contraire. Les règles poétiques sont ici inflexibles comme la vie elle-même et comme pour annuler l’inexistence.

— Fabien Abrassart

Il y a dans cette voix, quelque chose d’abrupt et de carré qui, loin d’arrêter le mouvement de la lecture lui redonne à chaque page son élan, dans une amnésie du présent faite d’éblouissement et d’oubli. J’entends aussi l’écho lointain de Reverdy.

— Jacques Ancet

Le bilan est amer : rien n’aura eu lieu, j’aurai marché / en pure perte. Mais ces ressassements au long des veilles nous auront fait entendre la respiration profonde d’un poète témoin du plus âpre des désirs, celui de l’absolu. Nous sentons cette respiration intérieure bien proche de la nôtre, bien proche de l’essentiel indicible, et nous en sommes intimement touchés.

— Gérard Bocholier

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À propos de l’auteur

Jean-Marie Corbusier

Aucun brouillon chez lui: c’est le saut dans l’instant critique des mots… qui réservent tous les possibles entre les êtres.

Jean-Marie Corbusier, né en 1950, a publié une vingtaine de plaquettes et recueils de poésie. Il fait partie de ces rares poètes infiniment discrets mais dont l’œuvre touche le cœur sensible de la création.

Une œuvre dépouillée d’oripeaux, sans artifices, mais dont chaque poème semble toucher à l’essentiel. Un poète assurément dans la secrète évidence des choses.

 

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