Par MICHEL CLOUTIER
Journaliste, écrivain et fondateur du magazine électronique Québec-Presse.
NEW-YORK — Le mercredi 9 novembre 2016
Après une longue campagne déchirante, hyper violente, démagogique et vulgaire au possible en multipliant les outrances envers sa rivale Hilary Clinton, le milliardaire Donald Trump, cet homme à poigne, a finalement modéré ses transports lorsqu’il prit la parole sur un ton présidentiel, vers 3 h du matin, devant ses partisans qui ovationnaient sa surprenante victoire… devenue historique.
Trump déjoue les pronostics et l’emporte

L’impensable est arrivé. Contre toute attente, Donald Trump a été élu président des États-Unis en remportant une victoire convaincante contre Hillary Clinton.
Le milliardaire de 70 ans a lancé un appel à l’unité après la campagne présidentielle la plus déchirante de l’histoire du pays. Prenant la parole vers 3h du matin, le président élu a félicité sa rivale pour son «travail acharné». «Le temps est venu de panser les plaies de la division, de refaire notre unité en tant que peuple. Je m’engage à être le président de tous les citoyens», a lancé Donald Trump devant ses partisans rassemblés dans un hôtel de New York.
Le vainqueur était entouré de sa femme, Melania, de leurs enfants, du vice-président Mike Pence et sa famille, ainsi que de membres de sa garde rapprochée.
La victoire totalement imprévue de Trump n’a été confirmée que vers 2h50 durant la nuit, lorsque Hillary Clinton a appelé le vainqueur pour le féliciter. La candidate démocrate n’a pas pris la parole. Elle réagira à sa défaite ce mercredi, a indiqué John Podesta, son directeur de campagne.
Le monde entier est sous le choc après cette victoire ahurissante de Donald Trump. Il y a tout juste 18 mois, le magnat de l’immobilier était considéré comme un clown insignifiant qui n’avait même aucune chance d’être le candidat républicain.
Trump a pourtant déjoué tous les pronostics en remportant une série d’États-clés, dont l’Ohio, la Floride et la Caroline du Nord. Tard durant la nuit, il a consolidé sa victoire en gagnant la Pennsylvanie et le Wisconsin, des États habituellement démocrates.
Avant même la confirmation de la victoire de Trump, les marchés se sont affolés partout dans le monde. L’indice Nikkei du Japon a perdu 382 points (2 %) et celui de Hong Kong a décliné de 600 points (2,5 %). Le peso mexicain a aussi plongé à son plus bas niveau depuis huit ans, selon Bloomberg. « Les résultats préliminaires montrent une course très serrée, plus serrée que ce qu’avaient prévu les marchés, a indiqué un analyste de la firme AFEX cité par le Washington Post. Si la Floride ou d’autres États-clés penchent pour Trump, on peut prévoir davantage de volatilité. »
«Secousse sismique»
La performance totalement imprévue de Donald Trump a pris par surprise les analystes. «C’est une secousse sismique complètement inattendue. Personne ne croyait fondamentalement à une victoire de Trump. Rien dans l’histoire ne nous prépare à une présidence de ce type-là. À quoi cela va-t-il ressembler, qui l’entourera, qui écoutera-t-il, comment mènera-t-il la démocratie?», a réagi Charles-Philippe David, président de l’observatoire sur les États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand, à l’UQAM.
De toute évidence, les sondages avaient sous-estimé la colère de la classe ouvrière blanche, habituellement acquise au Parti démocrate. Donald Trump a marqué des points dans les zones durement frappées par la délocalisation des emplois manufacturiers vers la Chine.
«Nous devons reprendre en main la destinée de notre pays, a lancé le président élu. Nous allons défendre en priorité les intérêts de notre pays, mais nous serons justes et équitables envers nos partenaires. »
La fameuse « machine à faire sortir le vote » des démocrates n’a pas suffi à venir à bout de la volonté de changement — et de faire un pied de nez à « l’élite » politique — incarnée par le magnat de l’immobilier. Le camp démocrate avait aussi sous-estimé le manque d’attrait d’Hillary Clinton, détestée par la majorité des électeurs.
Trump a remporté des districts électoraux dominés par les électeurs blancs, riches, religieux ou simplement… fâchés. La campagne électorale avait révélé de profondes divisions au sein de la société américaine. Le scrutin a confirmé cette déchirure entre les Blancs et les autres ethnies, entre les riches et les pauvres, entre les hommes et les femmes, entre les grandes villes et le reste du pays. « Les Américains préfèrent un raciste à une femme présidente », a lancé une électrice noire sur Twitter.
Le rejet des élites
Hillary Clinton a tout de même remporté la Virginie, un État habituellement rouge qui a appuyé Barack Obama en 2008 et en 2012. La candidate démocrate a aussi conservé la Californie, le Colorado, le Nevada et l’Oregon.
« L’industrie des sondages va faire faillite ! Aucun sondage n’a prédit une telle poussée de Trump », a dit un analyste à CNN. Des observateurs comparent déjà la montée surprenante de Donald Trump au vote des Britanniques pour la sortie de l’Union européenne, en juin dernier. Dans les deux cas, le rejet des élites et la peur de l’immigration ont contribué à un résultat qui a déjoué tous les sondages.
Le Parti républicain a conservé sa majorité à la Chambre des représentants et était en bonne position pour garder sa majorité au Sénat. Des poids lourds républicains au Sénat, dont Marco Rubio en Floride et John McCain en Arizona, ont conservé leurs sièges. Rubio avait craint pour son poste parce qu’il avait maintenu son appui à Donald Trump après la diffusion de la fameuse vidéo de 2005 où le milliardaire se vantait d’empoigner l’entrejambe des femmes sans leur consentement.
Ainsi donc, il est plausible de remporter la présidence des États-Unis malgré des allégations d’attouchements sexuels, malgré un stratagème pour éviter de payer des centaines de millions en impôts, malgré l’appui du Ku Klux Klan et malgré une série de déclarations qualifiées de mensonges par des analystes.
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